Pythéas, ce marseillais méconnu, astronome et explorateur...
Pythéas, homme pauvre, est astronome à l’observatoire de la cité. Après avoir mesuré l’inclinaison de la terre et la latitude de Marseille, il observe le pôle nord céleste, et convainc l’assemblée des timouques de financer une expédition dans le nord. Il va ainsi pouvoir confirmer ses observations.
Nous ne savons que très peu de choses sur l’homme. Simplement il est « un homme pauvre ». C’est comme cela que le voit Polybe (A1).
Pythéas est Massaliote, homme du peuple, né dans le courant du IV AC. Il est donc contemporain d’Aristote et d’Alexandre le Grand. Il occupe, sans doute, la charge d’astronome à l’observatoire de Marseille. Celui ci consiste essentiellement en un gnomon. C’est un obélisque, comme celui que l’on peut voir au rond point de Mazargues. Il mesure, peut être, vingt coudées de haut (10 m). Avec ce gnomon, Pythéas mesure les ombres portées du soleil.
L’astronomie est une science d’observation à long terme. Le gnomon a peut être été installé avant lui et il utilise les travaux laissés par ses prédécesseurs. L’appareil est installé sur une surface plane et horizontale, de grandes dimensions, orientée est-ouest, six à huit fois sa hauteur, soit soixante à quatre vingt mètres. Ce qui permet de pouvoir mesurer les ombres tôt le matin et tard le soir. La direction du nord est tracée sur le sol, ainsi que les principales courbes de l’ombre en fonction des jours. Où est-il installé ? Vers le début du Lacydon, au pied de la butte St Laurent, ou bien sur la butte elle même ? Ou peut-être aussi en dehors des murs de la cité ? (Nous n’y croyons pas beaucoup). Nous avons une préférence pour l’esplanade de la Major (si le terrain était plat à cette époque).
Pythéas a, en particulier, la charge de donner l’heure à ses concitoyens. Les changements de saison sont repérés comme suit : Aux équinoxes de printemps et d’automne, la pointe de l’ombre du gnomon décrit une droite pendant son déplacement. Au solstice d’été, l’ombre est la plus courte à midi, tandis qu’au solstice d’hiver elle est la plus longue. Pythéas mesure une longueur de 111, le jour d’équinoxe, pour une hauteur totale du gnomon de 120. Une simple conversion trigonométrique lui aurait suffit pour donner la latitude en degrés : Arctg(111/120)=43°. Mais il ne connaît pas, à cette période, les fonctions trigonométriques, ni même les nombres décimaux. Il lui sera donc nécessaire de transformer cette mesure en fraction de circonférence. Mais cette conversion n’est pas connue.
Une autre mesure, qui lui est attribuée, est celle de l’obliquité de l’écliptique, inclinaison que fait l’axe de la terre avec son plan de rotation autour du soleil. Il a trouvé 11/166 de circonférence, soit 23°53’. C’est Eratosthène qui rapporte cette mesure. Comme il ne s’est pas déplacé à Marseille pour sa géographie du monde, il s’est donc servi des mesures de Pythéas.
Notre homme est un excellent observateur. La nuit, en se tournant vers le nord, il voit que les étoiles tournent autour du pôle céleste. Hipparque nous dit : « il n’y a pas d’étoile particulière au pôle, mais un espace vide proche de trois étoiles. Le point marquant le pôle forme avec les trois étoiles un quadrilatère, – en fait, exactement comme l’a décrit Pythéas ». (A et K du dragon et B de la petite ourse). Aujourd’hui, le pôle nord céleste est situé tout près de l’étoile polaire dans la petite ourse. C’est que l’axe de rotation de la terre décrit un cône de 23° environ en une période de 26000 ans. Hipparque, encore lui, nous rapporte cette observation. Il découvrira, plus tard, la précession des équinoxes.
Pythéas a maintenant toutes les données possibles sur Marseille. Il sait que la terre est ronde. Il a sans doute entendu de vagues histoires sur les contrées du nord, rapportées par les caravaniers. Il sait, par ses observations, que vers le nord le soleil ne doit plus se coucher en été, et il a une obsession : évaluer la circonférence de la terre. Il sait aussi qu’en partant des colonnes d’Hercule, et en navigant constamment vers l’ouest, on doit rejoindre le fleuve Indus. Dans ce contexte, les premières estimations impliquent un voyage bien trop long.
Statue de Pythéas sur la façade de la chambre de commerce de Marseille (La Cannebière) |
Mais comment organiser une expédition alors qu’il est pauvre ? La cité état massaliote est confrontée à un grave problème: l’approvisionnement de l’étain et de l’ambre est devenu incertain à cause des Celtes. Il devient urgent de rechercher des solutions de remplacement. Il faut se rendre compte de l’endroit exact d’où sont tirées les matières premières et tenter de commercer directement avec les producteurs. Qui peut aller dans ces pays ou vivent les « barbares » ? Pythéas bien sûr. En plus de ses compétences scientifiques, il parle couramment le celte (enfin, on le suppose et au cas où, il trouvera un traducteur), ce qui l’aidera beaucoup dans ses démarches. Les Timouques se réunissent et accordent le budget nécessaire à l’expédition. On dit même qu’ Alexandre le Grand lui-même est intéressé à ce voyage. Désormais le décor est planté et Pythéas peut laisser libre cours à ses rêves.
Il va partir pour la bordure de l’Europe.