Pythéas de Marseille

De Gadir à Uxisama, Thulé, le poumon marin et le Tanaïs

Les Grecs et les Carthaginois en Méditerranée occidentale, les Celtes au nord

Les Carthaginois contrôlent tout le sud de la Méditerranée occidentale tandis que les Celtes assiègent les villes grecques ainsi que Rome. Les approvisionnements en étain et en ambre deviennent aléatoires et c’est un manque à gagner important pour Massalia. Il faut envoyer un ambassadeur.

  • Le contexte Géopolitique. 

    Marseille naît au VI AC, soit environ 300 ans avant Pythéas. Les grecs fondent Massalia qui devient vite prospère. Celle-ci est basée sur le contrôle du commerce dans la partie nord-ouest de la Méditerranée. A l’est de Marseille, les Grecs fondent les villes d’Olbia (Hyères), Antipolis (Antibes) et Nikaia (Nice). Sur l’étroite bande côtière, les Grecs plantent de la vigne, et la production de fruits est aussi importante.

    Les Massaliotes s’aventurent aussi vers l’Ouest ; ce fût d’abord la ville d’Agde, d’une grande importance stratégique car au débouché, de l’Aude, et plus loin la Garonne, d’une des route de l’étain. Mais les richesses de l’Ibérie sont aussi convoitées. Il faut aller plus loin. Il y a Amporion « à 2 jours et 1 nuit de navigation » (Ampurias, au début de la Costa Brava), créée 40 ans environ après Massalia ; puis, plus bas, à coté de l’embouchure du rio Ségura, au sud d’Alicante, le comptoir fortifié de Santa Pola. Ce comptoir très important donne accès aux richesses minières du Tartessos et de la Siérra Morena (cuivre entrant dans la composition du bronze et argent pour les bijoux et les pièces de monnaies). Un autre comptoir, celui de Mainaké, proche de l’actuelle Malaga, offre les mêmes avantages que le précédent. Ainsi les Massaliotes peuvent commercer avec l’Ibérie au nez et à la barbe des Carthaginois qui contrôlent le sud-ouest de la Méditerranée, par l’intermédiaire de Cadix.

    Carthage, récemment libérée de sa ville mère Tyre se développe très rapidement. Idéalement placée sur le détroit entre l’Afrique et la Sicile elle contrôle le passage entre l’est et l’ouest de la Méditerranée, par le sud, pendant que les Grecs contrôlent le passage étroit entre la Sicile et l’Italie, le détroit de Méssine. Les Carthaginois, pour asseoir ce contrôle, s’associent aux Etrusques et créent des comptoirs en Sicile, ce qui déclenche les hostilités avec les Grecs.


L’occupation de la Méditerranée occidentale au temps de Pythéas

Gadir (Cadix), idéalement située au débouché du Quadalquivir, donne à Carthage le contrôle maritime des mines du sud de l’Espagne. La colonie contrôle bien sûr le négoce vers l’ouest de la « Libye » et la côte ouest de l’Espagne, en particulier l’étain de la Galice. Carthage contrôle aussi l’île d’Ibisa dans les Baléares.

Les « Barbares » occupent toutes les terres intérieures. C’est comme cela qu’ils sont appelés dans le monde grec.

Les Celtes (Gaulois) occupent toute la partie nord de la Méditerranée, des confins du massif central, en passant par le bassin du Rhin, jusqu’en Autriche. La Provence est occupée par les Ligures, peuple gaulois.

Que se passe t-il vers 400 AC ? Les Gaulois commencent à migrer vers le sud et vers l’est, depuis la Seine et la Bohème. Une partie d’entre eux traverse les Alpes et s’installe dans la plaine du Po. Ils lancent alors des attaques vers le sud de l’Italie. En 396 AC, l’armée de Rome est battue. Un autre groupe important se déplace vers la basse vallée du Danube, et de là attaque les villes grecques d’Asie mineure.

Massalia n’est pas épargnée. Vers 400 AC, la ville est assiégée par des Ligures, occupant la Provence et la vallée du Rhône. Ils sont commandés par un Gaulois nommé Catumandus. Une nuit, la déesse Athéna lui rend visite, et ce qu’elle lui dit le fait changer d’avis. Il demande alors aux Massaliotes à se rendre au temple de la cité pour réparation, et se retire avec ses troupes. Est-ce bien la réalité ?

Pompéius Trogus, Gaulois d’origine, écrit que, au retour du voyage à Delphes, en remerciement aux dieux de les avoir protéger, les Massaliotes apprennent que Rome est assiégée par les Celtes qui demandent une rançon. (396-390 AC). Ceux-ci, ayant signé un traité avec Rome, collectent des pièces d’or et d’argent dans toute la ville, et payent la rançon. C’est peut être le début de la grande amitié qui va lier les 2 villes pendant de longs siècles. Quel crédit peut on apporter à une telle histoire ?

  • Le contexte Socio-Economique.

En examinant la distribution des Amphores typiques de Massalia en Méditerranée et en Gaule, on en trouve comme prévu une forte concentration sur la côte, de Marseille à Nice, jusqu’en Espagne. Elles sont aussi présentes dans la vallée de l’Aude, jusqu’à Toulouse, et bien plus nombreuses dans la vallée du Rhône, jusqu’aux sources de la Seine et la vallée du Rhin. Ces amphores témoignent des échanges entre la communauté massaliote et les « barbares ». Elles servent à transporter le vin qui était inconnu des Gaulois. Nul doute que seule l’aristocratie dans le monde celte peut s’offrir ce produit de luxe, et avec lui, tout ce qui, à l’époque, est lié au vin : coupes, cruches etc, en bronze décoré. On échange aussi des pièces de monnaie, en argent pour les drachmes massaliotes, ou en or pour les pièces du centre de la Grèce. Du Corail aussi ainsi que des grenats du massif des Maures. 


Amphores Massaliotes. Musée d’histoire de Marseille

En contrepartie, les Marseillais reçoivent de l’étain qui arrive via l’Aude, la Garonne et la Bretagne ou par la Loire. L’autre route est celle de la Seine et du Rhône. Le lieu d’extraction se situe dans les îles Cassitérides. Mais où sont les îles Cassitérides pour les Massaliotes ? Un autre produit est importé dans le Lacydon : c’est l’ambre. Il arrive depuis la mer Baltique par la vallée du Rhin, puis celle du Rhône. Une autre route, sans doute via l’Elbe, traverse le centre de l’Europe, puis par delà les alpes, arrive à l’embouchure du Po (Eridan). En ce milieu du IV AC, à l’époque de Pytheas, l’économie massaliote est très fortement perturbée par les migrations et les attaques de barbares gaulois. La plus importante route, celle du Rhône est devenue aléatoire, voire coupée. C’est un manque à gagner important pour la cité phocéenne, et un déséquilibre industriel pour le monde grec.